Tristesse. Immense tristesse. La Québécoise Madeleine Parent vient de mourir. Le journal Le Devoir lui consacre un Cahier exceptionnel à la dimension de cette femme exceptionnelle. Elle est dans mes 101 portraits avec le texte ci-dessous. J’ajoute quelques liens pour aller sur le journal québécois. C'est bien sûr le blog de l'ami Jacques qui m'a alerté. J-P Damaggio
Madeleine Parent
Québec 1918 – 2012
Chère Madeleine, le 6 octobre 2008, avec ma compagne nous devions retrouver l’ami Jacques Desmarais dans une manifestation à Montréal. Retardé par son travail, c’est chez lui qu’il raconta la fin de cette action citoyenne (nous en étions partis au début) où il eut la conviction de t’avoir croisée. J’ai ainsi découvert l’existence d’une syndicaliste et féministe québécoise de légende.
Tu es née à Montréal d’une famille de petits-bourgeois. Tu as étudié jusqu’à entrer à l'Université McGill pour y étudier la sociologie. Tes premières actions, au sein de l'Assemblée des Etudiants Canadiens visaient à obtenir des bourses pour les fils de cultivateurs. Puis tu as adhéré au Parti Communiste du Québec, en même temps que tu devenais une syndicaliste d’importance dans les Unions ouvrières, le 1er mai 1942. Comme Martha Desrumeaux, c’est dans la lutte que tu rencontres ton futur mari, le syndicaliste Kent Rowley que tu épouses en secondes noces en 1953. Pendant les années 1940, tu œuvres avec Léa Roback, croisée en 38 dans les luttes pour obtenir le suffrage féminin au Québec. Léa Roback (1903 - 2000), syndicaliste, militante communiste et féministe canadienne (québécoise) est considérée comme une pionnière du féminisme au Québec. Comme plusieurs autres femmes de ce livre, Léa est d’origine juive (de Pologne) sans que je puisse savoir si cette origine est un facteur d’incitation à la lutte sociale. Je constate que comme pour toi, l’action sociale l’a maintenue en forme presque jusqu’à cent ans.
Suite aux considérables grèves du textile de Saint-Henri et de Valleyfield en 1946, face à un adversaire de poids, la compagnie Dominion Textile, tu écopes de deux ans de prison et tu pars alors pour l’Ontario. Tu expliques :
« Je connaissais l’histoire des grèves ouvrières et je savais que ce serait très dur. Il fallait aimer le syndicalisme avec tous les risques qu’il comportait, dont la guerre psychologique. J’ai davantage souffert des préjugés que de l’emprisonnement : en temps de grève, certaines personnes refusaient même de nous saluer.»
Tu avais déjà fait cinq petits séjours en prison et cette condamnation était comme une épée de Damoclès que Duplessis, le Grand Maître du Québec de l’époque, tiendra huit ans au-dessus de ta tête en faisant reporter délibérément ton procès chaque année, jusqu’à ce qu’enfin, en 1955, la Cour d’appel casse le jugement. Tu perds ton mari en 1978, date à laquelle tu décides de revenir au Québec.
Chère Madeleine, un livre très vivant dirigé par Andrée Lévesque, nous montre ta vie en tant que femme d’action et de réflexion en mêlant des témoignages de compagnons de lutte et des analyses d’historiens. De la nationalisation des syndicats canadiens jusqu’à la défense des droits des femmes autochtones et immigrantes, en passant par le mouvement antimondialisation, les auteurs nous rappellent ton impo-sante contribution au Québec d’aujourd’hui. Au fil des pages, ils dressent le portrait d’une visionnaire et rassembleuse, toujours en avance d’un combat sur son temps.
Tant qu’il te restera un souffle, tu continueras de militer pour la simple raison que ça te rend heureuse. Voici ta « morale » de l’histoire :
« Je me souviendrai toujours de cette grève menée par des ouvrières d’origine italienne, à Toronto où un journaliste s’était exclamé : « Mais c’est la fête, ici ! » Une travailleuse avait répondu : « Avant la grève, nous ne nous connaissions pas. Maintenant, nous savons que nous ne sommes pas seules. Tout est possible. » » J-P Damaggio
Sur Le Devoir :
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346311/vue-de-toronto-une-separatiste-canadienne
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346313/francoise-david-et-la-lutte-des-femmes-celle-par-qui-l-histoire-se-fait
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346312/lea-roback-la-fondation-et-les-causes-les-causes-survivent-aux-personnes-qui-les-ont-portees
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346314/une-militante-la-douceur-aura-ete-l-une-de-ses-forces
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346318/migwetch-merci-madeleine
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346319/une-femme-douce
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346317/temoignage-une-grande-amie
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346315/les-syndicats-et-la-lutte-anticommuniste-rouge-elle-le-fut