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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 12:09

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Voici la traduction quasi intégrale d’un article du 6 mars publié sur le quotidien italien : La Reppublica. Je remercie Pierrette qui m'a alerté à partir d'un article de la vie du rail qui a relayé l'information. L’auteur ROBERTO SAVIANO est un journaliste talentueux, courageux qui vit sous escorte et à l'occasion de la sortie d'un nouveau livre, intitulé Le combat continue. Résister à la mafia et à la corruption, il assure que le problème mafieux n'est pas qu'italien. Il précise que celle-ci, qui s'est enrichie pendant la crise européenne, est aussi présente en France, à Marseille mais aussi à Paris et dans le nord du pays et déplore que le problème mafieux soit considéré comme secondaire. Je vais revenir par un article global sur la question. Dans l’article il parle des liens entre mafia et TAV (Train Alta Velocita). JPD


par ROBERTO SAVIANO

Tous parlent du TAV mais avant tout il faudrait parler d’un fait : ces 30 dernières années la Grande vitesse est devenue un instrument pour la propagation de la corruption et de la criminalité organisée, un modèle gagnant pour faire des affaires, et qui a été perfectionné au moment de la construction de l’autoroute du soleil et de la reconstruction, après le tremblement de terre d’Irpinia. Il s’agit là d’une certitude judiciaire et historique plus solide que toutes les évaluations environnementales ou politiques (en faveur ou contre le TAV), plus solide que toute autre analyse sur la nécessité ou l’inutilité de cette LGV. En ce moment il y a une division entre ceux qui considèrent que le TAV dans le Val de Suse est un pas en avant pour l’économie, un pont vers l’Europe et inversement, il y a ceux qui pensent que c’est une aberration, un gaspillage et une violence sur la nature. Ils doivent pourtant s’unir sur un point : nous avons besoin d’avoir le courage de comprendre que l’Italie actuelle ne peut plus garantir que ce chantier ne devienne la plus grande mine d’or de la mafia. Le gouvernement Monti doit comprendre que de se voiler la face c’est dangereux. Plus que la poussière, que la fin du tourisme, que la dépense extraordinaire, plus que toutes les analyses discutées ces jours-ci on devrait mettre au premier plan un problème de sécurité du système économique. C’est un problème de démocratie. Pour se défendre de l’infiltration mafieuse il faut agir avant que les premières entreprises n’entrent sur le marché.
Désormais l’économie mafieuse est agressive et l’Italie inversement est désarmée. Le pays ne peut se permettre de faire vivre, avec le fleuve d’argent du TAV, les entreprises illégales. Rendons nous à l’évidence, il faut bloquer tous les grands travaux pour se doter d’armes nouvelles, efficaces et appropriées. La priorité ne peut pas être seulement « la mise en sécurité de l’économie » pour la soustraire à l’infiltration et à la domination des mafieux, en la dotant d’anticorps. (…)

Les affaires criminelles
Les mafias se présentent comme des entreprises qui gagnent parce qu’elles font des prix avantageux, elles ont leurs sièges au Nord et des curriculum parfait, et le flux d’argent destiné au TAV risque de devenir l’aliment de leurs potentialités, en augmentant leur capacité d’investissement, de contrôle du territoire, en faisant croître son pourvoir économique et par conséquent politique. Ils ne gagnent pas en pointant le fusil. Ils gagnent car grâce à l’argent illicite, leur façon d’agir légalement est meilleure et plus rapide. Le schéma financier utilisé jusqu’à présent dans les affaires TAV c’est le mécanisme qui est apparu pour la reconstruction post-tremblement de terre de 1980 : c’est le mécanisme de la concession qui au nom de l’urgence de l’œuvre, remplace les garanties normale, et fait que la dépense finale est déterminée sur la base d’une facturation complexe produite en cours de construction, ce qui permet de gonfler les coûts et de créer des fonds illégaux de milliards d’euros. L’histoire de la grande vitesse en Italie est l’histoire de l’accumulation de capitaux de la part de cartels mafieux de la construction et du ciment. Le tracé du Lyon-Turin peut se coupler avec la carte des familles mafieuses et de leurs affaires dans le cycle du ciment. Elles sont toutes prêtes et se sont organisées ces dernières années.
Exagération ? La direction nationale de l’anti mafia dans son rapport annuel (2011) a placé le Piémont sur le troisième poste du podium de la pénétration de la criminalité organisée calabrese : « ‘Au piémont la 'ndrangheta a là une base solide, qui après la Calabre n’est dépassée que par la Lombardie. »
Comme le démontre la sentence n. 362 de 2009 de la Cour de Cassation « il a été reconnu définitivement la présence d’une émanation de la 'ndrangheta sur le territoire de la Val di Susa et sur la Commune de Bardonecchia ». L'infiltration à Bardonecchia (qui a conduit à la dissolution de la municipalité en 1995, premier cas dans le nord de l’Italie) est arrivée au moment de la construction de la nouvelle autoroute par Fréjus, vers la France.

Les liens avec le nord
Croire qu’il suffit de mettre sous observation les entreprises du sud pour éviter l'infiltration c’est d’une naïveté coupable. Les entreprises criminelles ne viennent pas des terres de la mafia. Elles naissent, grandissent et vivent au Nord, et se présentent avec des papiers en règle, toutes avec des certificats antimafia (preuve qu’il faut modifier les paramètres). C’est toujours des années après la signature des contrats que les enquêtes révèlent que leur ADN est mafieux ! Quelques exemples. La Guardia di Finanzaa découvert que sur les chantiers de la Torino-Milano la Edilcostruzioni de Milano était liée à Santo Maviglia narco trafiquant d’Africo. Son cabinet travaillait en sous-traitant pour la Tav. La Ls Strade, leader absolu milanais pour le terrassement était de l’entrepreneur lombard Maurizio Luraghi. Selon les enquêtes de la Direction antimafia de Milan, Luraghi était le prête nom des Barbaro et des Papalia, famille 'ndranghetiste. En mars 2009 l'enquête, appelée "Isola", démontre la présence des familles Cologno Monzese et Nicoscia e Arena et de la 'ndrangheta calabrese qui recyclait des capitaux et contournait les normes antimafia en utilisant le système de l’appel direct pour entrer dans le chantier de la Tav de Cassano d'Adda.

(Il évoque le cas d’octobre 2009 avec l'Opération Pioneer qui a conduit à de multiples arrestations).

A Reggio Emilia la grande vitesse a été le moyen de faire venir une soixantaine di gangs qui ont débuté l’hégémonie des sous-traitants dans la construction en Emilia Romagne. Sur la TAV Torino-Milano s’est constitué un business mafieux inhabituel qui a généré beaucoup de profits et qui a été découvert en 2008. Il a été découvert une montage de déchets souterrains illégalement placés dans les chantiers de la Grande Vitesse : des tonnes de matériaux non bonifés, du béton armé, du plastique, du caoutchouc, des briques, du fer au cœur du Parc Lombard du Ticino. Avec des tels chantiers on peut cacher tout ce que l’on veut. Un trou de 30 mètres de large et de dix de profondeurs peut accueillir 20 000 m3 de matériel.

Le système de la sous-traitance
Le chantier TAV sur la Napoli-Roma, raconte bien quel pourrait être le futur de la TAV dans le Val de Susa. Le clan des Casalesi a participé aux travaux et seulement jusqu’à la fin 1995 la camorra encaisse d’après la police criminelle 10 mille milliard de lires. Dès le début les membres du clan des Casalesi exercèrent une constante pression pour obtenir et conserver le contrôle mafieux sur le TAV de deux manières : ou infiltrer les entreprises elles-mêmes ou imposer des pot-de-vins (tangente) à celles qui participaient au concours pour la réalisation de la LGV. Les chantiers ouverts en 1994 pour dix ans avaient un coût initial prévu de 26.000 milliard et sont arrivés en 2011 à 150.000 milliards de lire pour 204 kilomètres, le coût au kilomètre étant de presque 44 millions d’euro, avec des pointes dépassant 60 millions. Les enquêtes ont expliqué quelques uns des mécanismes découverts. Le clan des Casalesi participait aux travaux sous son nom propre en accaparant au départ le monopole du terrassement à travers la Edil M Calcestruzzi spa, société bergamasca du Groupe Italcementi (cinquième producteur au niveau mondial), qui fournissait le ciment pour réaliser les importantes réalisations publiques, entre autres quelques unes des LGV Milano-Bologna et Roma-Napoli,  métrobus di Brescia, métro de Genova et A4-Passante autoroute de Mestre. Les enquêtes, commencées par le juge Paolo Borsellino (…).
C’est ça l’Italie qui se prépare à ouvrir le chantier en Val de Susa. Que la mafia ne regarde pas que le sud, c’est désormais certain ! De plus, les organisations criminelles, pas seulement en Italie mais aussi aux USA et dans le monde entier, profitent énormément de la crise qui est devenue pour elles une grande occasion d’augmenter leurs profits. Nous avons besoin de mettre en sécurité l’économie du pays et nous avons sur ce point un grand retard. La jurisprudence antimafia est conçue pour la chasse aux boss mafieux. C’est juste mais ce n’est pas suffisant : il faut un pas an avant en matière de jurisprudence qui fasse la chasse aux énormes capitaux criminels qui agissent sans troubler le monde de la finance internationale. Ou on va dans cette direction, ou l’alternative fera que chaque forme de reprise économique se réalisera avec un capital à majorité mafieuse..
(6 mars 2012)

http://www.repubblica.it/cronaca/2012/03/06/news/tav_saviano-31013967/?ref=HREA-1


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