La Cour des comptes vient de publier une utile étude sur le bilan de deux autoroutes ferroviaires lancées en France depuis l’an 2000. Dire autoroute ferroviaire c’est parler de projets visant à transporter sur les trains, des conteneurs, des remorques de camion, ou encore des remorques avec les camions. Inutile de dire qu’à l’heure ou le fret ferroviaire s’effondre (encore -6% en 2010) de tels projets suscite pour els défenseurs du rail, un grand intérêt. Pas besoin d’être savant pour comprendre que les milliers de camions qu’on découvre sur les autoroutes seraient très utilement remplacés pour un transport sur rail. Bref quel bilan retenir des deux expériences ?
L’autoroute ferroviaire alpine
Elle est très courte, 175 km et va de la vallée de la Maurienne à la banlieue de Turin. Elle passe par le tunnel du Mont Cenis. Il est évident que ce projet est à relier au projet de LGV Lyon-Turin. Malheureusement, pour les défenseurs de ce projet, le rapport de la Cour des Comptes montre que si le projet de LGV au coût pharaonique avance, l’autoroute ferroviaire patine !
Exploité depuis 2003 par une sous-filiale de la SNCF et son homologue italien Trenitalia, le service offre quatre navettes quotidiennes entre deux plates-formes situées à Aiton-Bourneuf (Savoie) et à
Orbassano (Piémont). C’est seulement à la mi-septembre 2011 que les trains pouvaient circuler sur deux voies au lieu d’une seule et à très petite vitesse (40 km/h).
Si sur cette ligne des efforts conséquents d’investissement avaient eu lieu, si les responsabilités avaient été clairement établies, le bilan serait sans doute meilleur. Ne nions pas l’effort financier de l’Etat en faveur de ce projet (en termes de subventions et d’aide au paiement des sillons) mais dans le cadre d’un montage bricolé. Les terminaux sont gérés par des sociétés indépendantes de l’exploitation de la ligne ce qui a mis du bazar et nous retrouverons les mêmes problèmes des terminaux sur l’autre ligne !
En conclusion un effort qui n’a pas produit les résultats escomptés.
La ligne Perpignan-Luxembourg
Là le projet est beaucoup plus colossal puisque la ligne fait 1000 km sans escale puisqu’en fait le terme d’avion sur rail est plus propice que celui d’autoroute !
Là aussi les incohérences ne manquent pas à l’appel : les poids lourds sont limités par la loi en vitesse, en longueur, en largeur mais pas en hauteur or pour mettre les camions sur des wagons la hauteur est de la plus haute importance. Elle l’est aussi pour la route vu qu’il y a bien des camions qui ne peuvent emprunter les autoroutes !
Mais point crucial, d’après le rapport de la Cour des comptes, les terminaux sont sous-dimensionnés. Celui du Boulou à côté de Perpignan n’est pas assez grand et celui du Luxembourg nécessite pour y arriver une locomotive supplémentaire.
Bilan : la ligne trans-alpes a transporté en 2009 22 600 camions et 26 000 en 2011.
La ligne Perpignan-Luxembourg a transporté en 2009 24 500 camions et 36 500 en 2011.
Des données intéressantes puisqu’il y a augmentation en période de recul du fret ferroviaire.
Mais des résultats très loin des espoirs attendus.
Comment faire mieux ?
L’Engagement national pour le fret ferroviaire, présenté en Conseil des ministres le 16 septembre 2009, confirme l’objectif et précise que le mode ferroviaire devra représenter plus des trois-quarts de la progression. D’ici 2020, 7 Md€ devront être dépensés pour réduire la circulation routière.
L’objectif est beau sur le papier mais bien loin de la réalité. Pour la même période c’est 100 Md€ pour les projets de LGV !
Regardez la carte des autoroutes ferroviaires en Europe et vous constatez tout de suite que la France a un retard énorme alors que sa géographie et son histoire ferroviaire devrait la placer en pointe. D’ailleurs le résultat du tunnel sous la manche est de ce point de vue intéressant avec 110 000 camions par ans mais bien isolé.
La décroissance du fret ferroviaire n’est pas une fatalité même à l’heure de la stratégie économique du flux tendu comme le démontre quelques pays européens. Quand on passe le droit des poids de lourds de passer de 40 tonnes à 44 tonnes (d’abord pour l’agricole et l’agroalimentaire) est-ce qu’on va dans le bon sens ?
Comme tout rapport de la Cour des Comptes il y a les réponses des autorités. J’en retiens que là aussi le privé au cœur du processus n’a pas fait la preuve de son efficacité. Il encaisse les aides publiques mais malgré l’autosatisfaction du représentant de Lohr Industries (promoteur de la technologie Modalohr) nous sommes loin des résultats attendus… vu l’investissement public.
JPD