Nos grands médias nous obligent à scruter l’écume de la mer. Parfois, pendant quelques heures, l’horizon pointe son nez le temps d’une révolte populaire. Puis très vite, l’ordre ordinaire revient en force.
Dans ces conditions les élections aux Chambres d’agriculture ne pouvaient faire «chronique» et moi-même j’ai failli passer à côté. Pourtant c’est une façon d’observer l’horizon !
Les Chambres d’agriculture c’est un peu comme si les enseignants pouvaient élire leurs inspecteurs d’académie (qui ne sont plus des inspecteurs d’académie). L’enjeu est toujours d’importance et les paysans ne s’y trompaient pas en votant massivement. Je dis les paysans, mais ils ne sont pas les seuls à voter. Ils constituent cependant le corps essentiel.
Pour le Tarn-et-Garonne il y a encore 4725 exploitants inscrits. Ils n’étaient plus que 2636 à voter soit 55,8%. Comme partout la baisse de participation est spectaculaire (en moyenne 10% pour la France). Les salariés agricoles, totalement absent des préoccupations politiques sont encore 1484 mais là, la participation tombe à 18%, ce qui fait qu’avec 89 voix la CGT gagne 3 élus !
Les anciens exploitants sont 12 056 et votent tout de même à 34%. Le Tarn et Garonne a un regroupement original (ADRA) mais la FDSEA l’emporte avec 58%.
Ce premier tour d’horizon fait, revenons aux données essentielles, celles du vote des exploitants. En Tarn-et-Garonne nous avons des résultats équivalents aux données nationales. Même La Dépêche du Midi locale qui a conduit une forte campagne contre la FDSEA n’y peut rien ! (le président dela chambre d'agriculture s'était présenté avec l'étiquette UMP contre le ministre PRG)
Nous avons une Confédération paysanne qui stagne à 20%. Il faut se souvenir qu’en 2007 ce syndicat a pris la baffe de sa vie en passant nationalement de 26,8% à 19,6%. C’est le bilan peu glorieux du médiatique José Bové qui a attendu les résultats de ce scrutin avant d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle le conduisant après un beau virage à devenir député européen deux ans après.
Si l’activiste du Larzac a réussi de grands rassemblements, s’il a fait injustement de la prison, s’il a défendu des causes justes, il l’a fait en s’appuyant davantage sur les médias que sur l’opinion des paysans qui le soutenaient.
Aujourd’hui voici le début du communiqué de la Confédération paysanne :
« A l'issue de ce scrutin, la Confédération paysanne conforte sa place dans l'électorat paysan, aux alentours de 20% et progresse de façon significative dans de nombreux départements. Ce résultat positif est à mettre au crédit d'une campagne de terrain, centrée sur les valeurs et le projet du syndicat. Il est d'autant plus satisfaisant, que le contexte n'est pas favorable. »
Un texte qui reste évasif…
Nous avons un MODEF qui devient de plus en plus marginal (2,9% en 2001, 2,6% en 2007 et aujourd’hui peut-être en dessous de 2%) au point de ne pas être candidat sous son nom en TetG. Le début de son communiqué national est plus courageux que celui de la Confédération paysanne :
« L’élection aux Chambres d’Agriculture a été marquée par un faible taux de participation. La baisse importante de la participation laisse apparaître la désespérance de la moitié du monde paysan qui a du mal à voir l’avenir et qui ne croit pas au changement nécessaire de politique agricole. Le MODEF voit là un signe négatif pour construire une alternative à une agriculture industrielle bien ancrée dans les esprits. Ce recul citoyen fait l’affaire du syndicalisme libéral d’adhésion avec la FNSEA ou de contestation avec la Coordination Rurale. »
Et en effet le gagnant incontestable c’est la Coordination rurale qui est né en 1992 et qui progresse depuis surtout sur le dos de la Confédération puisqu’entre 2001 et 2007 elle passe de 12 à 18% et qu’aujourd’hui elle continue de progresser nettement. Y compris sur le dos de la FNSEA qui avait un peu progressé en 2007 par rapport à 2001 et qui recule un peu à présent.
Voici le cri de victoire de la Coordination rurale nationale :
« Le 6 février 2013 est désormais une date historique pour la Coordination Rurale et les agriculteurs français. Alors que le taux de participation (54,34 %) a encore baissé, la CR voit depuis sa création, à chaque échéance électorale, ses résultats nettement progresser.
Cette fois encore, la CR marque des points ! Avec 21.12 % des suffrages (83 listes CR et 50 % des 3 listes d’union CR-CP), la Coordination Rurale s’impose clairement comme le deuxième syndicat agricole de France (métropole + DOM). La CR vient d’asseoir sa notoriété et confirme sa force syndicale incontournable. »
La FNSEA va continuer de dominer le paysage agricole en constatant que les forces mal en point sont celles sur sa gauche.
Je ne prétends pas qu’on puisse tirer des leçons générales de cette élection mais elle fixe des tendances peu réjouissantes pour les progressistes. La contestation sans projet réel de la Coordination rurale ne peut représenter une alternative. L’explication de ce recul de la gauche tient d’après certain à des raisons sociologiques : les petits paysans continuent de disparaître or ils constituaient la base électorale de la Confédération ou du MODEF. Ce point est réel mais quel lien établir avec la montée en force de l’abstention ?
Jean-Paul Damaggio