En fermant les 680 pages du livre de Leonardo Padura, L’homme qui aimait les chiens, j’ai eu une envie : relire le premier chapitre qui en est le résumé parfait. Anna, la compagne de l’écrivain fictif, lui demande pourquoi avoir tant attendu pour écrire cette histoire, il répond : « Je ne l’avais pas écrit parce que j’avais peur. »
La peur, comme tout, se divise en deux : la peur réelle et la peur manipulée. Entre les deux, il existe une frontière difficile à déterminer mais une frontière cependant. Les peurs réelles ce sont celles des millions de gens qui craignent d’avoir faim, froid, d’être malades, ou d’aller en prison injustement. Les peurs manipulés ce sont celles autour d’une campagne de vaccination contre la grippe l’an dernier, autour d’armes de destruction massive en Irak etc. La frontière est dure à établir car faut-il encore avoir les informations : si l’épidémie de grippe avait été dramatique, la peur n’aurait pas été manipulée…
La révolution se produit quand la peur change de camp c'est-à-dire quand la manipulation de la peur apparaît au grand jour. La révolution se produit quand l’aventure que représente la révolution fait moins peur que la réalité. La Révolution française ce fut le 14 juillet mais ce fut aussi la Grande Peur, celle des possédants !
Pour en revenir au livre de Padura j’ai mis en illustration un article de La Stampa italienne du 20 juillet 1990 où Luis Mercader, le frère de Ramón, confie quelques informations. C’est le moment où s’effondrent dans le monde des millions de peur. Elles seront remplacées par d’autres mais pas dans le cadre d’une histoire qui serait un éternel recommencement. Luis Mercader indique mot pour un mot un passage du livre de Padura : «[à Moscou après son retour de prison] Il a commencé à travailler avec un groupe de réfugiés dirigé par Dolorès Ibarruri à une « Histoire de la Guerre d’Espagne ». Quand l’œuvre a été publié son nom n’est pas apparu parmi les signataires. Les communistes espagnols se méfiaient de lui… »
En 1994, aux Editions du Seuil, un responsable du KGB, Pavel Anatolievitch Soudoplatov a publie ses mémoires où il évoque l’assassinat de Trostky et donc Mercader. Il est évident aujourd’hui qu’il y a plusieurs erreurs car dans les services secrets les cloisonnements font que même un bras droit de Beria n’avait pas tous les éléments, malgré sa rencontre avec Mercader en 1969. Il considère par exemple que Mercader est passé de Barcelone à Paris sans l’étape en URSS où il subira pendant un an un lavage de cerveaux. J’ajoute que contrairement à l’indication de Pierre Broué, Mercader n’est pas mort en 1979 mais le 18 octobre 1978 ayant été libéré de prison en 1960. Il passa quatre ans à Cuba (il y arriva quand il se découvrit très malade le 22 avril 1974) mais à sa mort son corps a été transporté à Moscou.
De 1990 à 1994 la glasnot (la transparence autrement sérieuse que Wikileaks) a permis de découvrir des événements totalement incroyables mais je dois conclure car un homme qui aimait les chiens m’attend. Je travaille sur le cas de Renaud Jean dont je révélais dans le premier livre que je lui ai consacré en 1994 (publié seulement quinze après) son amour des chiens qui m’a été depuis confirmé (j’ai noté qu’une fois élu la seule taxe qu’il ait augmenté c’est la taxe sur les chiens). Après Padura je ne vais pas travailler de la même façon.
28-01-2011 Jean-Paul Damaggio