Judith Cladel, éléments d’un parcours

Judith Cladel tient le Livre de Pochi, photo anonyme reprise du livre de Fabrice Van de Kerchkove.

La première fille de Léon Cladel est née en 1873 et meurt en 1958. Elle a le surnom de Pochi, Pouchi ou Petit Plouche en souvenir d’une reproduction du Polichinelle de Manet qui décorait le salon familial et dont elle épelait ainsi le nom.

Pochi

Ce fait est raconté en préface à un livre extraordinaire : Le Livre de Pochi écrit pour Judith Cladel et ses petites amies par :

Paul Arène, Jean-Bernard Passeriau, Jules Claretie, Alphonse Daudet, Charles Delon, Hector France, Camille Lemonnier, Lugol, Catulle Mendès, Louis Mullem, Henri Passeriau, Edmond Picard, Emile Pouvillon, Marie Sever des Moulins, Armand Silvestre, Maurice Talmeyr.

Elle avait douze ans et seize écrivains s’unissaient pour lui offrir un livre !

« Quand vous étiez toute petite, toute petite, vous aviez une belle passion d’enfant gâté pour le Polichinelle de Manet dont la reproduction est suspendue dans un coin de votre maison avec une dédicace du maître peintre à votre père, le maître écrivain. Vous vous campiez en face du bonhomme et vous jasiez avec lui. Les jeunes filles, cela gazouille avant de avoir parler. Les syllabes refusaient d’obéir à vos loquacités enfantines et votre langue encore inhabile ne pouvait pas soulever les cinq brèves dont se compose le mot « Polichinelle » que vous prononciez : Pochi. Tant et si bien que ce surnom, d’une douceur italienne avec un je ne sais quoi de poésie orientale, vous est restée, et les intimes de la Villa Bon Accueil, qu’habite Léon Cladel, vous donnent encore aujourd’hui, comme ils vous le donneront probablement toujours, ce petit nom des heures intimes de  ma famille. » Jean-Bernard

Parmi les seize écrivains, il en est un qui avait l’âge de son père mais qui deviendra son amant quand elle aura vingt ans : le Belge Edmond Picard.

Picard

Dans son livre Fabrice Van de Kerckhove écrit :

« Picard lorsqu’il publie en 1898, sa seconde somme antisémite, est depuis deux ans au moins, l’amant d’une de ces « belles juives » dont Léon Cladel avait dit, dans son dernier roman, le charme dévastateur : Judith-Jeanne, la petite Judith-Jeanne, ç=à laquelle il dédiait en 1885, pour son douzième anniversaire, un conte cruel du Livfre de Pochi. Six mois, après la mort de Léon Cladel, il avait prédit à la jeune fille, si belle, si intelligente et si cultivée, la continuatrice de l’œuvre de son père _ « C’est à elle à mettre les guirlandes de fleurs dans la crinière de ce lion. » (Picard à Julia et Judith Cladel le 24 janvier 1893) – puis il avait repris avec elle, en 1895, le fil d’une correspondance qu’il avait eu quelque peine à entretenir avec ses parents au-delà de 1889.

800 lettres subsistent de la correspondance amoureuse entre Picard et Judith ! et Judith Cladel trouvera matière dans cette liaison à son premier roman : Confessions d’une amante.

Judith la Juive amoureuse d’un antisémite de gauche !

Rodin

Elle deviendra ensuite l’amie et la biographe de Rodin. Là on peut pousser plus loin le paradoxe de la vie de Judith Cladel en rappelant ce fait qu’elle relate dans le livre sur Rodin (pages 228-229). Envoyée vers Camille Claudel pour rédiger un article au sujet de l’artiste, article à paraître dans le journal où Judith écrivait alors, La Fronde, elle indique :

« Le journal La Fronde, auquel je destinais mon article, défendait des idées opposées aux convictions conservatrices de celle qui j’étais venue voir. C’était le temps où l’affaire Dreyfus faisait rage. Peu après ma visite, elle me pria, en une lettre d’un style précis et pur, de bien vouloir ne publier l’étude projetée que dans une feuille ou une revue d’opinions concordant avec les siennes. »

Voilà Judith Cladel dans le rang des féministes (La Fronde était le premier quotidien féministe, fait uniquement par des femmes, et qui joua un grand rôle aux côtés de Dreyfus) et qui dénonce les antisémites !

10-10-2010 Jean-Paul Damaggio

Sources :

La Livre de Pochi.

Edmond Picard Léon Cladel, Lettres de France et de Belgique (1881-1889) présenté par Fabrice Van de Kerckove, AML éditions, 2009

Judith Cladel : Rodin, sa vie glorieuse et inconnue

Livres de Judith :

Auguste Rodin pris sur le vif ; Confessions d’un amante ; La vie de Léon Cladel ; Auguste Rodin, L’œuvre et l’homme ; Maurice Rollinat ; Mademoiselle de Lavallière ; Le Général Galliéni ; Rodin, sa vie glorieuse et inconnue ; Maillol, sa vie son œuvre ses idées ; Léon Cladel et Baudelaire.