En partant à la retraite, j’ai écrit le portrait de quarante enseignants que j’ai admiré, un pour chaque année passée au travail. Je découvre que petit à petit, ils meurent. Après Guy Catusse qui représentait l’année 1973, voici la page concernant Jean Vignoboul qui représentait l’année 1979. Aujourd’hui mon père vient de m’annonce sa mort.
En 1979, après les échecs de 1978, la crise au sein du PCF prenait une nouvelle tournure. Ce fut l’épisode Fizbin et Jean Vignoboul était de cette tendance. Sur la photo, il participe à sa dernière Conférence fédérale et le sait très bien. Il est devenu un indésirable à cause de ses critiques permanentes. Il aimait bien mes parents à qui il achetait ses légumes, sur le marché, tous les samedis. Dans le texte ci-dessous, écrit en 2007, je mentionne d’une seule ligne la raison qui me poussa une fois, jusque chez lui, quand il était encore à Corbarieu. C’était pour parler d’Italie : il était depuis les années 60 un admirateur du PCI. Sa passion c’était la connaissance de l’économie, base du marxisme. Il est mort le 27 août et il a donné son corps à la science. Peut-être un jour, vais-je écrire davantage sur cet homme qui m’a tant marqué. JPD
(Mes pages écrites étaient précédées d’un mot d’enfant et Louis c’est moi.)
- Quand on est vieux, on mange ? demande un enfant de 5 ans inquiet à l'idée de la mort.
- Oui, on mange répond le maître.
- Et si on mange beaucoup, on redevient jeune ?"
(enfant, Lavit)
1979
Jean Vignoboul
La dernière fois que je l'ai vu avec son épouse il m'a dit;" N'oublie pas d'apporter mon bonjour à tes parents, j'y tiens ". Il est ainsi Jean, marqué par son passé, et chargé d'une histoire qu'il a beaucoup vécu sans la moindre reconnaissance. Louis, je sais que tu es allé une fois chez lui pour parler d'Italie.
La photo de ce professeur de mathématiques se révèle sur le papier plongé dans son bain. Louis, avec sa fille (3 ans), est au labo-photo de l'école de Saint-Etienne de Tulmont dirigée par son ami Jacques Rey. Dans la chambre obscure, il développe une pellicule prise au cours de la conférence fédérale du PCF qui vient de se tenir dans la salle des fêtes de Fonneuve. Jean Vignoboul, saisi à sa place, est plongé dans ses pensées.
L'épouse d'alors de Louis a gardé un moment de cette histoire en le prenant en photo à la tribune (voir ci-dessous). Il a une barbe devenue habituelle depuis les USA car là-bas son rasoir ne fonctionnait pas. Ce fut d'ailleurs l'occasion d'une belle découverte. Les prises n'étant pas les mêmes qu'en France, il décida d'en acheter une, conforme au système US et l'installa sur le fil de son rasoir. En branchant, un disjoncteur a sauté. Seconde opération et même résultat. En fait, son rasoir en 220 ne supportait pas le 110. Donc, pour deux ans, il pensa inutile d'acheter de quoi se raser. [ce qui n’est pas tout à fait juste après avoir découvert d’autres photos d’alors]
Au cours de cette conférence fédérale de 1979, l'ancien dirigeant communiste a été renvoyé à la base. Et, comme toujours, des communistes "critiques" jugèrent bon de justifier cette décision, à la tribune. Louis en a été triste sans imaginer que son parcours au sein de ce parti aurait quelque parenté avec celui de Jean. A une différence près, il préféra quitter lui-même les instances fédérales (dès 1982) avant d'y devenir indésirable.
Jean et sa femme sont toute une histoire ancienne. Une histoire très dure en 1979. Non que leur combat se soit arrêté, puisque neuf ans après, Louis et Jean seront à la même tribune aux côtés de Pierre Juquin.
Celui qui en 1979 perd le droit d’être acteur au PCF (on disait : il s’est mis de lui-même hors du parti), fut victime d’un certain communisme fait de dogmatisme. Ensuite, l'intervention de l'URSS en Afghanistan et les événements polonais furent le coup de tonnerre qui suscita l'inoubliable chanson de Jean Ferrat : Le Bilan Et quel bilan ! JP Damaggio