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13 août 2013 2 13 /08 /août /2013 13:04

Pour le colloque qui s’est tenu à Puylaurens (publication des actes en 1990 au CIDO), le thème était La révolution vécue par la province, Mentalités et expressions populaires en Occitanie. Pour moi ce titre laissait penser qu’avant comme après la révolution, il y avait des provinces. Or en créant la citoyenneté et donc la nation (par la Marseillaise par exemple), la révolution efface les provinces par les départements. Mais ensuite, une fois la citoyenneté perdue, le provincial réel va naître comme forme de citoyenneté impossible à assumer. C’est un peu comme le statut des femmes. Inexistant avant la révolution, par le droit au divorce par exemple, il va prendre forme, et quand le Code civil ramène la femme à la "maison", c’est une femme objet qui apparaît. Sur ce point la révolution de 1848 en rajoute une couche en donnant le suffrage « universel » aux hommes, ce qui, en retour, renvoie encore plus la femme dans l’objet. Je me passionne autant pour les effets de la révolution que ceux de la contre-révolution qui ne peuvent être le retour à une situation antérieure, même si à un moment on parla de « restauration ». Bref, j’avais traité l’exemple ci-dessous. JPD

 Jean-Paul DAMAGGIO : 

 DU CITOYEN AU PROVINCIAL A PARTIR D’UNE LETTRE EN OCCITAN

 Pour base de mon intervention, un document minable. Une lettre personnelle qu'un ami envoie de St-Porquier, près de Montauban, à un député au Conseil des Cinq-Cents, lettre qui est en occitan.Pour élever le niveau, je vais me permettre tout d'abord quelques mots sur celui qui reçoit la lettre. N'est pas, en effet, député aux Cinq-Cents qui veut, surtout en cette période trouble qu'est le Directoire. Le député s'appelle Poncet-Delpech, il est républicain, plutôt âgé, la cinquantaine, et c'est important par rapport au contenu de la lettre. L'originalité de cet homme tient au fait qu'il fut aussi député aux Etats Généraux, neuf ans auparavant. Député du Tiers, il est comme la majorité des autres élus un homme de loi.

A travers ce personnage et cette lettre de décembre 1797, nous allons tenter une étude sur ce qui m'est apparu une des mutations provoquées par La Révolution, le passage de l'état de citoyen à celui de provincial. Bien évidemment, il faudra essayer de s'entendre sur ces mots de citoyen et de provincial et comprendre dès le départ que je n'aspire pas à tirer de ce cas des leçons générales et définitives.

A - Poncet-Delpech en 1789

Né en 1743 à Montauban, il a donc 46 ans. En tant que député, il est à Paris, installé chez Olympe de Gouges, et participe si activement aux séances des Etats Généraux qu'il peut en écrire des comptes-rendus personnels, envoyés au journal de Montauban, le Journal National, qui les publie sans problème. L'objet d'aujourd'hui n'est pas, comme le voudraient les sollicitations de 1988 qui nous poussent à étudier avant tout 1789, de s'attarder sur ce point. Mais pour toucher du doigt cette activité du citoyen Poncet-Delpech, voici un écho de son projet de déclaration des droits de l'homme à partir de ce qu'il dit sur la religion :

« Religion:

article XV : La Loi ne pouvant que punir les crimes, la Religion et la Morale doivent les prévenir ; la Religion doit donc aider la Loi.

article XVI : Pour que la Religion ait une force morale, il faut une unité de moyens ; la Religion doit donc être unie : plusieurs Religions détruiraient la force qui est nécessaire d’une seule.

article XVII : La Religion exige un culte ; le respect pour la Religion et le Culte est donc nécessaire. »

Vous pouvez mesurer l'écart entre les idées de Poncet et celles du texte officiel. Poncet réfléchit, agit, travaille et s'inscrit pleinement dans le bouillonnement de 1789.

Mais ne nous dispersons pas. Convenons donc que cet extrait de document suffit pour établir que Poncet-Delpech se comporte en citoyen comme la majorité des députés aux Etats Généraux. Il a sans aucun doute une vie personnelle loin de la politique mais il a d'abord une vie politique.

Si vous posez ce fait comme une évidence de départ, pour le moment je ne vous ai rien appris. Si, au contraire, vous considérez qu'il faut beaucoup de volonté pour pouvoir intervenir sur le chantier du politique, alors vous constatez que cet homme de province, ce Montalbanais, se donna très vite les dimensions d'un législateur. Il était à Paris pour s'occuper des affaires du pays.

D'une part, il se devait de le faire vis-à-vis des autres députés dont le sacerdoce a été si bien dépeint par Mirabeau :

« Quelle est cette insoutenable dictature ? (ici, celle du Roi en juin 89) l'appareil des armes, la violation du temple national, pour vous commander d'être heureux ! Qui vous fait ce commandement ? Votre mandataire! Qui vous donne des lois impérieuses ? Votre mandataire ! Lui qui doit les recevoir de nous, Messieurs, qui sommes revêtus d'un sacerdoce politique et inviolable, de nous, enfin de qui seuls 25 millions d'hommes attendent un bonheur certain parce qu'il doit être consenti, donné et reçu par tous. »

D'autre part, il se devait de le faire vis-à-vis de ses électeurs dont il voulait être le digne représentant, c'est-à-dire plus qu'un député.

Bref, Poncet-Delpech était le citoyen d'un pays qui n'était pas encore en république.

B – Poncet-Delpech en 1793

Avant d'en venir à la lettre, il me parait indispensable, même en procédant par grandes enjambées, de m'arrêter à 1793, sous peine d'un triste dérapage.

Vous le savez, après l'Assemblée Nationale, Poncet-Delpech ne pouvait pas être élu à l'Assemblée Législative. A sa place, c'est un noble révolutionnaire de Montauban qui sera élu au sein de la députation du Lot : Dupuy-Montbrun. Ensuite, il ne pouvait être élu à la Convention car l'ascendance de Jeanbon Saint André était telle dans la ville que ce poste lui revenait. Bien évidemment, ces élections-là ne se faisaient pas au niveau de la ville de Montauban, mais il se trouve que la députation du Lot a toujours comporté un Montalbanais.

Poncet-Delpech en 1793 est donc simple notable municipal. La municipalité de la ville sans être sans-culotte se garda bien de faire du tort au puissant Comité de Salut Public local qui deviendra Comité de Sûreté Générale. Cette appellation conforme aux lois ne doit pas cacher que le comité ne se conforma pas aux lois. D'abord, il était unique sur la ville et, de plus, il put obtenir d'être le surveillant de tous les comités du Lot.

Poncet-Delpech était-il montagnard ?

On a vu qu'en 1789 il avait écrit dans le Journal National. C'était la suite d’une collaboration entreprise avant même la Révolution avec Vincent Teulières pour la publication du premier journal de la ville. Cette collaboration aurait pu lui coûter cher car ensuite Vincent Teulières se révéla monarchiste. Quand Poncet abandonna cet ami, il était encore à Paris où il adhéra aux Feuillants. Là aussi, il sut abandonner assez vite ce groupe pour rejoindre les Jacobins. Il se trouve donc en 1793 avec la municipalité de Montauban proche des Montagnards et, comme pour 1789, je vais retenir un seul fait pour cette période : le texte que Poncet-Delpech prononce à la première fête de la Raison qui s'est tenue à Montauban le 10 frimaire an II (30 novembre 1793).

Il faut faire observer la date précoce de cette fête et le fait que, dès le départ, Poncet-Delpech y défend vaillamment le nouveau culte.

Voici comment il commence ce discours :

«  Citoyens, Le mensonge et l'erreur ont de tout temps gouverné le monde. Les peuples anciens et modernes ont subi tour à tour ce joug humiliant imposé à la faiblesse humaine. Partout les fables les plus grossières, les dogmes les plus absurdes ont eu des partisans et des prosélytes. Partout des préjugés superstitieux ont corrompu chez les nations la politique, la morale et le bonheur du genre humain. La cause de cette funeste dégradation est assez connue : l'homme qui se dépouille des droits qu'il tient de la nature perd bientôt sa dignité et l'usage de sa raison. »

Je comprends qu'on puisse avoir envie de se lancer dans l'étude de cet événement et dans le rôle qui joua Poncet-Delpech, mais je rappelle, une fois de plus, qu'un document minable attend notre analyse, donc finissons-en avec le Poncet-Delpech de 1793. Pour ne pas perdre le fil, en conclusion de cette partie, posons tout de même cette question avec un début de réponse : Poncet- Delpech est-il encore un citoyen ?

Il l'est à double titre. Au titre de bourgeois soucieux d'assumer son rôle de bourgeois. En 1789, il s'était chargé de représenter les intérêts populaires et donc nationaux. En 1793, il se charge d'éduquer le peuple. Même démarche, même citoyenneté.

Mais cette fois, il est en plus citoyen reconnu, et il a le titre de citoyen (citoyen dans les faits et dans le mot). II faut savoir pour comprendre cette notion peu orthodoxe qu'en 1793 son Discours au Temple de la Raison est imprimé et diffusé sur décision de la Société populaire.

De Montauban, Poncet-Delpech s'adresse à la France entière par le réseau hautement significatif des Sociétés populaires. Poncet-Delpcch sera heureux de noter sur son journal intime les retours de cette initiative et en particulier que la société parisienne des Jacobins, mais aussi d'autres sociétés du pays, liront et apprécieront son discours.

Plus que jamais, en 1793, Poncet-Delpech est un citoyen.

C – Poncet-Delpech en 1797

Poncet-Delpech va mener bataille pour se faire élire au nouveau corps législatif qui remplace la Convention suivant ce que fixe la Constitution de l'an III. Trop républicain, il échoue après des péripéties sans nom qui aboutirent à deux Assemblées électorales distinctes. Sur décision du Directoire, il est déclaré élu. Il est donc à Paris en décembre 1797. Et là, un ami intime lui écrit en réponse à une de ses lettres. Nous n’avons malheureusement pas la lettre de Poncet- Delpech mais celle de son correspondant retrouvée dans un petit dossier d'archives qui rassemble quelques manuscrits de Poncet-Delpech.

Et, première surprise : cette lettre est en occitan. Malgré la richesse des archives du Tarn et Garonne concernant la Révolution, on ne trouve en cette langue qu'un texte de l'évêque bien connu : Sermet.

Et maintenant cette lettre dont nous allons étudier d'abord le contenu avant de passer à la question linguistique.

1. Contenu de la lettre

a) L'assurance qu'elle est écrite entre deux amis intimes et qu'elle n'est pas d'un simple plaisantin qui aurait écrit à l'occasion à Poncet.

b) L'importance des questions amoureuses pour ne pas dire sexuelles.

c) L'affirmation d'une identité gasconne différente de l'idée parisienne.

d) La tentative, sur la base du sujet, d'une définition de la différenciation en question.

Je ne prétends pas qu'il y a d'un côté les questions politiques importantes et de l'autre les futilités de la galanterie. A chacun d'apporter suivant son éthique les valeurs qu'il souhaite à ces deux ordres de questions. Je prétends par contre que dans le cas de 1789 le député est à Paris en tant que citoyen et que ce même député en 1797 est devenu un vrai provincial. On peut me rétorquer qu'à côté de cet échange de lettres galantes Poncet-Delpech s'activa aussi sur le terrain de la politique. Dune part, rien ne l'indique et, d'autre part, les Conseils sous le Directoire savaient bien qu'ils ne représentaient rien.

18 fructidor an V (4 septembre 1797) : coup d’Etat du Directoire et les élections sont cassées.

22 floréal an VI (11 mai 1798) : coup d'Etat du Directoire et les élections sont cassées.

30 prairial an VII (18 juin 1799) : il est vrai cette fois il s'agit d'un Coup d’Etat des Conseils contre le Directoire.

19 brumaire an VIII (10 novembre 1799) : j'ai envie de dire : et enfin le Coup d'Etat de Bonaparte.

Cette disparition de l'activité politique de Poncet-Delpech est d'autant plus nette que le 19 brumaire an VIII un autre député du Lot, le Moissagais Delbrel, qui lui, avait été député à la Convention, gagna le droit à l'exil à cause de son action (il s'oppose de manière très forte au coup d'Etat). Il s'en trouva donc des décidés à se défendre et à rester citoyens. Mais ils furent la minorité et de vouloir exercer ce droit, ça le leur fit perdre !

En conséquence, Poncet-Delpech, très apte à sentir le vent, préféra s'intéresser aux femmes qu'aux lois, aux plaisirs qu'aux devoirs, à sa personne qu'à son rôle. Plus question d'envoyer à Montauban le résultat des débats au Conseil des Cinq-cents. Est-ce que pour moi le provincial est le député qui déserte sa fonction ? Nous y reviendrons en conclusion. Passons tout de même aux questions linguistiques.

2 - Voici la lettre traduite (1)

"A St Porquier le 27 frimaire an VI de la République

Delaux a son ami Poncet

"Il y a longtemps que je t'aurais écrit, mon cher Poncet, s'il ne m'était pas arrivé le plus cruel accident qui puisse m'arriver. Je me suis foutu, en faisant la Ribote, un gobelet dans la main droite, ce qui me fait craindre de ne pouvoir plus m'en servir comme il faut, mais maintenant que ça va un peu mieux je m'empresse de répondre à ta lettre. Je voudrais pourtant n'être pas obligé de te parler de si loin mais comme ce désir ne peut faire qu'on puisse l'empêcher, je me contenterai de te témoigner, avec toute la sincérité dont je suis capable, la peine que je sens de te savoir si loin de moi. Je ne ferai pas une plus longue dissertation en assurance d'amitié parce que je ne sais pas dire mais, en récompense, je sais bien le penser. Je crois d'ailleurs que nous n'avons pas besoin de nous en donner des témoignages.

Je crois bien, comme tu me le marques, que le séjour de Paris est fort agréable, que l'on s'y divertit bien et que l'on y voit de jolies dames. Nous autres ne sommes pas dans le même cas. Ce pays ne vaut pas l'autre. De beaucoup s'en manque. Nous ne voyons, à la place de ces si beaux carrosses, que de chétives charrettes, à la place de ces si gentilles marquises, chargées de plâtre pour se faire la peau blanche, de rouge pour leur donner des couleurs et couvrir la jaunisse dont la débauche les gratifie, à la place des dentelles, des rubans et des taffetas dont elles sont chargées, nous ne voyons que d'humbles paysannes — ça ne fait rien — au regard doux et cependant amoureux, à la peau rude mais très blanche, aux couleurs de rose sans fard, vêtues de cotillons et de camisoles de toile ou de cadis.

Les femmes mariées de ce pays pour être plus retenues devant leurs hommes n'en foutent pas moins de bons coups dedans avec leurs galants aussi elles ne sont pas très sages faute (ou sans) de frottage d'huile de chêne (métaphore pour sexe masculin) Car je crois que les parisiennes payent cher en particulier toutes les libertés qu'elles prennent en public. Les filles qui ne sont pas mariées sont à l'unisson des mariées et la jeunesse quand elle a affaire avec elles, ne va pas écouter cela (??) en tiennent compte. Je ne t'en dis pas plus sur cet article peut-être je t'ennuierais. D'ailleurs la main qui me fait mal m'empêche d'écrire plus.

"Si tu vois quelqu'une de ces dames si bien à la mode, tu peux lui communiquer ma lettre, elle augurera bien mal de moi mais dis-lui que je suis gascon. Adieu. Ta sœur et ton beau-frère se portent bien, ils m'ont chargé de te dire mille caresses de leur part ainsi qu'à ton père et ta mère. J’espère qu'ils ne m'oublieront pas auprès d'eux. Mon frère vous dit à tous mille choses ainsi que mes parents. Adieu tout à toi."

3 La question linguistique

Vous avez dû déjà noter dans votre vie personnelle que la langue employée est plus porteuse de sens que le sens même de la langue. Si je dis aujourd'hui dans le cadre de certains débats politiques : étudions les rapports Sud/Nord, vous notez combien ça sonne mal à votre oreille. Il est si simple et si beau de parler des rapports Nord/ Sud.

Donc, Delaux, en décidant d'utiliser l'occitan, signifie quoi ?

a) que Poncet connaissait cette langue. Une fois de plus, une évidence de départ, mais dans ses multiples écrits (et il écrit tant et plus) rien, absolument rien, ne laissait supposer une telle connaissance de la part de Poncet. Il est donc non négligeable d'en avoir une preuve concrète.

b) que Delaux devait mieux connaître l'écriture du français que de l'occitan car, c'est le moins qu'on puisse dire, sa maîtrise de l'écrit occitan est minime.

c) que pourtant l'emploi de cette langue s'imposa.

La clé réside-t-elle dans cette part de phrase :

" Cé béses quaouquno d'aquelos damos ta pla a la modo y pos communiqua ma letro, ogurara pla mal de you mai digoy que soun gascou.',

Notons que Delaux est effectivement gascon. Habitant au sud de Montauban, il est de l'autre côté de la limite occitane par rapport au Quercy.

Mais que peut signifier ce " dis-lui que je suis gascon" ? Est-ce une excuse à son langage cru ? Est-ce un moyen de faire comprendre son langage cru ? Est-ce un moyen de se défendre face au poids des marquises ? Est-ce une revendication d'identité positive ?

En fait, l'emploi de la langue occitane et cette conclusion "dis- lui que je suis gascon" signifie qu'il y a deux mondes : le monde officiel et le monde à côté de l'officiel. L'esprit provincial c'est l'art de savoir se mettre à côté. Ni contre, ni ailleurs, mais à côté. Ni au-dessus, ni au-dessous, mais simplement à côté. J'y insiste. Le provincial laisse aller la société pour le cas où elle veut aller quelque part. Il s'agit d'une position de repli, d'attente. Delaux n'est pas jaloux de Poncet. II n'est pas davantage envieux. Il argumente même pour dire que de son côté il y a plus de vérité, de vie vivante. S'il peut être ainsi, c'est-à-dire à côté, c'est parce qu'il est gascon.

Mais n'était-on pas davantage provincial avant la Révolution du temps où justement existaient les provinces ?

En 1776, Poncet était rédacteur du premier journal à Montauban.  On peut penser que c'est lui qui y écrivit cet article dont voici un extrait :

« Je feuilletais dernièrement la Bibliothèque poudreuse d'un vieux gentilhomme, mon voisin et mon ami. Parmi une foule de Livres que je parcourus, je lus tout entier un Recueil de Poésies Languedociennes, qui n'avaient pas vu le jour depuis plus de cent ans peut-être. Les feuillets par une longue habitude, s'étaient tellement collés l'un à l’autre qu'il fallut employer le fer et l'eau pour les séparer. Les petits poèmes qu'ils renfermaient me parurent les meilleurs que nous ayons en idiome patois, ils respirent une douce sensibilité et une imagination gracieuse.

Leur style est également éloigné du néologisme bizarre de Goudouli et de la sécheresse de Dastros. L'Auteur, qui n'est pas nommé, me semble antérieur à ces poètes plus célèbres que célébrés (...). Je donnerai ici la traduction de la fin d'une de ces pièces qui a pour titre « Abis a la poulidos » ."

Sous l'Ancien Régime, la contradiction apparaît nette quand on lit les deux expressions : Poésies Languedociennes et idiome patois. Le provincial ne savait pas encore qui il était. Il hésitait. A partir du moment où le provincial fait l'expérience de la citoyenneté, s'il redevient provincial alors il l'est pleinement et il n'a plus à hésiter. Il oubliera les Poésies Languedociennes et ne retiendra que l'idiome patois.

Voilà comment je saisis le cheminement qui pousse l'homme à sortir d'un état de sujet du Roi pour atteindre celui de citoyen et pour retomber ensuite dans le provincial. Observons que dans ce texte de 1776 est proposée à la fin une traduction d'une poésie sur le sujet du rapport amoureux comme dans les lettres de 1797, un peu comme s'il y avait retour à la case départ, mais pour moi un retour aggravé. Et puisqu'il s'agit de parler de femmes, permettez un rapprochement avec un hors- sujet.

Dominique Godineau dans son livre Les Citoyennes tricoteuses note : "L'Ancien régime faisait des femmes des mineures juridiques. La révolution reconnut leur existence civile, leur personnalité juridique." Puis elle note comment à partir de 1794, cette citoyenneté leur est refusée. Pour moi, le moyen central de ce refus sera la mise sur pied juridique du statut de l'enfant mineur. La femme sera d'autant plus chargée de s'occuper de l'éducation de l'enfant, moyen qui rend cette situation (le refus de la citoyenneté) supporable et parfois désirable. Ainsi elle est poussée à se rendre complice de la reproduction des rapports sociaux qui l'oppriment.

Pour revenir à Poncvet-Delpech, je veux ajouter que le provincialisme ne tient donc pas en priorité à un lieu, à un état d'esprit mais à une démarche pratique : l'abandon de souveraineté. Pour un député, c'est l'abandon de sa fonction.

Et pour terminer, quelques questions :

1. Ne suis-je pas moi-même intervenu en provincial ? J'indique sans répondre que cette intervention s'inscrit dans un ensemble plus vaste d'interventions sur la Révolution et qu'en même temps j'agis au sein du mouvement occitan.

2. Justement, ne suis-je pas allé chercher ce document pour justifier une idée préétablie ? Si j'avais voulu le chercher, je ne l'aurais pas trouvé et d'idées je n'en avais guère avant cette rencontre.

3. Mais suis-je bien dans le sujet du colloque ou à côté ?

Il y a dans le titre Révolution et Province et je crois avoir parlé de la Révolution et de la Province. Mais les mentalités et expressions populaires ?

Au sujet des mentalités, Michel Voyelle note qu'en réponse à son livre La Mentalité révolutionnaire, des Italiens lui ont répondu que la Révolution n'était pas une mentalité, ce à quoi il ajoute : « Saine mise en garde à laquelle l'auteur n'est pas insensible mais on peut, sans confondre la Révolution avec un phénomène de mentalité, faisant abstraction de tout ce qui tient aux conditionnements objectifs d’une part, à l'idéologie de l'autre, être attentif au poids de ces facteurs de mentalités dans le processus révolutionnaire, qu'ils expliquent les « résistances » rencontrées, ou au contraire les expressions de la prise de conscience révolutionnaire. »

Et c'est un peu à la lumière de cette phrase que j'ai écouté et vais écouter les interventions. Pour ma part, en conclusion, j'indique que cette lettre en occitan m'a fait mesurer que Sade, qui participa à la Révolution, n'est pas intervenu par ses œuvres littéraires, hors du réel, et il y a là, je crois, question de mentalités. JP Damaggio

 

(1)" a st pourquié l'ou 27 frimary sixiemo annado republicano Delaoux asoun amic pouncét

Y a loungteinps qué taouyouu escriout moun cher pouncèt cé n'ou m'ere pas arribat l'ou pus cruél accident qué pousquesso m'arriba, mé soun foutut en fan la Riboto un goubelét dins la ma dretto que mé fa crégné de poudé plus min serbi coumo cal, mis aro qua quo ba un paou minou m'enpréssi de réspondre a ta letro. bouldroou pourtant plan néstré pas oubligeat de té parla dé ta leng més coumo qui boulé fa qui nou pot pas émpatcha mé counténtareï de te témoigna am mé touto la sincéritat dount soou capablé la péno qué sentisi dé té sabé ta leng dé you nou faré pas uno maï lougo Dissertatiou én asségurénso d'amistat parsoqué ô sabi pas diré mès en récoumpenso ô sabi pla pensa cresi dailleurs qui n'aben pas bésoun de n'oun douna dé témoignatché.

" You cresi pla couina o mi margés l'ou séjour dé paris és fort agréablé qé l'on si dibértis pla ét qé l'on y bey dé poulidos damas nousaous sin pas faïs am mo quo, questé païs n'ou bal pas laoutré dé pla séin manqo, nousaous n'ou bésèn la plaça d'aqès ta bels carrossos que dé chetibos carrétos, e la plaso d'aquellos ta jantios marqisos engrésidos dé plastré per fa la pel blanqo, dé rougi per lou douna dé coulours et capela la jaouisso doun la débaoucho las gratifico, a la plaço dé la dantelos, des rubans et dès taffetas d'oun soun capeladas, nou faires n'ou bésèn disi qui d'humblos paysantos al régard doux ét pas méns amouroux a la pél rudo méns prou blanquo a la coulous dé rosos sans fard, bestidos d'un coutillou et d'uno camisolo de telo o dé cadis.

Las fénnos maridados d'aqesté pais perestré maï retengudos dabans lours homés noun fouto pas moins de bounis cops dans mé lous galans tabé. N'ou soun pas satchetos acap de fretado d'holi de cassé ! Car you cresi que las parisiénos pagou car e particulier toutos las libertats qui prénou en public. Las fillias que soun amarida soun a lunissou de las maridados, ét la junesso qan affar am ellos n'ouban pas o éqouta tabé lou ? néton counté, nouten disi pas maït sur aqél articlé béleou tanuyaioou la ma dailleurs qui mé fa mal mempatcho d’escrioure maï.

" Ci bésés quaouquno d'aquellos damas ta pla a la modo y pos communiqua ma letro ogurara pla mal de you mai digoy que soun gascou.

Adiou ta so et toun bél fraire si portas pla, man cargat dé té dire millo carresos dé lour part ainsi qu'à toun péro e a ta mero esperi qui m'oubliraran pas al prép d'ellis. Moun fraïre bous disou a toutis milles caousos ensi qué mous parens adiou tout atu

"Delaoux fils aynat”

 

(traduction réalisée avec l'aide de René Merle que je remercie)

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