Considérable manif anti-raciste à Rome
Longtemps j’ai pensé que le racisme contentait de se répéter à travers l’histoire alors que l’anti-racisme devait, pour riposter sérieusement, se réinventer. Le cas italien permet de vérifier que les répétitions du racisme ne sont pas seulement de simples répétitions. Pays d’émigration d’abord et d’immigration aujourd’hui, le racisme a été contraint de faire preuve « d’intelligence ». Son bras armé est né au début des années 90 sous le nom de Ligue Lombarde puis de Ligue du Nord et aujourd’hui il suffit de dire La Ligue de Bossi. Pendant que le racisme de Le Pen était d’ordre national celui de Bossi était d’ordre régional et la nuance n’est pas sans importance à l’heure où un des objectifs du capitalisme est de mettre à bas l’Etat.
Pour le racisme institutionnel (le racisme au quotidien est encore autre chose) l’Italien du Sud fut donc le premier bouc-émissaire montré du doigt (c’était l’institutionnalisation d’un racisme du quotidien). Depuis, l’étranger s’est ajouté au tableau et ma première constatation sur l’anti-racisme italien, c’est qu’il préfère privilégier la lutte contre les infamies dont sont victimes les étrangers aux autres. Le mot d’ordre « Personne n’est clandestin » et la façon de le mettre en œuvre m’a fait penser aussitôt à l’anti-racisme français des années 85-90 avec la célèbre main « Ne touche pas à mon pote » dont j’attends toujours l’analyse de ses effets. L’antiracisme serait-il contraint de proposer des parapluies aux habitants d’une maison pleine de gouttières quand il faudrait surtout refaire le toit ? Bien sûr en attendant les travaux sur le toit le parapluie est en effet nécessaire mais le problème c’est qu’au lieu d’aller vers une reconstruction du toit, les forces dominantes continuent la démolition obligeant l’antiracisme a donner de plus en plus e parapluies…
La manif du 17 octobre à Rome n’a pas été organisée par l’équivalent de SOS Racisme mais essentiellement par l’organisation syndicale CGIL avec autour de multiples organisations locales. Pour la Toscane je note : « Cité métisse » à Empoli, « Espace libéré » de Pistoia, « Collectif Bujanov » de Valdarno, Collectif d’immigrés à Lucca, etc… Au total elles seraient 400 organisations laïques, religieuses, nationales ou locales à être membre du « Comité du 17 octobre ».
La Repubblica annonce un chiffre de 200 000 manifestants pour cette manif annuelle depuis 1989, date de l’assassinat raciste d’un clandestin sud-africain, Jerry Masslo. Elle a ajouté à ses mots d’ordre une défense des homosexuels que le Parlement italien venait d’insulter en refusant de voter une loi défendant leurs droits et qui avait été proposée par un député centriste. Le fait que l’organisation de base soit la CGIL a permis, plus qu’en France, d’inclure les travailleurs dans le cortège et en particulier les travailleurs clandestins (une part du cortège se fit remarquer par la forte présence des travailleurs sénégalais venu du Nord du pays). Au total la diversité des cas apparut avec plus d’éclat que d’habitude : réfugiés kurdes rassemblés autour du portrait de Ocalan, réfugiés somaliens fuyant l’enfer de Mogasdiscio, jeunes Equatoriens devenus souvent des assistants de personnes âgées. Il Manifesto dans sa série de portraits d’immigrés, évoquera avec détails ces immigrés italiens rentrés au pays pour y finir leurs vieux jours et bénéficiant de l’aide de sud-américains clandestins qui leur permettent de rester chez eux.
Dans l’Unita du 19 octobre, pour tirer la leçon de la manif, la CGIL insistera sur le fait que l’action doit aller au-delà des défilés pour s’inscrire dans ce fait l’essentiel de l’activité syndicale, l’obtention de Conventions collectives où les discrimination doivent être remises en cause en permanence pour permettre à tous les travailleurs de bénéficier de droits égaux.
Le soir sur le Rai Tre la manif a fait quelques minutes avec des questions posées à des anonymes puis à des officiels comme Moni Ovadia, Ventola pour Sinistra e Liberta, un membre de Rifondazione, un de l’Italia de Valori et enfin l’inévitable Marco Pannella. Sur Rai 2, le morceau a été réduit de moitié (seulement Pannella) et une femme voilée défendant ses droits. 28-10-2009 Jean-Paul Damaggio