Au sujet de Victor Hugo à La Havane
Cuba, Victor Hugo, Maxime Vivas, voilà d’entrée un mélange détonnant. Pas surprenant ensuite si à Toulouse AZF explose ! Le livre a beau être mince (52 pages) il n’en demeure pas moins que le voyage culturel qu’il impose vaut son eldorado et je l’écris en tant que lecteur et non en tant qu’éditeur qui, s’il avait le souci de gagner de l’argent ferait autre chose (étant instit retraité, c’est plus sûr pour vivre).
En tant que lecteur, car depuis longtemps je suis un passionné des Amériques ce qui explique que je termine un livre sur « l’Américain » Wajdi Mouawad (j’ai écrit le mot américain entre guillemets car il est malheureusement pris pour habitant des USA et non habitant d’un continent, comme Européen).
Maxime Vivas montre comment une route a été ouverte entre France et Cuba et plus largement France et Amérique latine, or je peux témoigner du rôle majeur de Victor Hugo sur ce point. Un Péruvien m’expliqua une fois que sa plus grande lecture fut Les Misérables (c’est vrai un autre pris plutôt en référence Fernandel).
En 2009 repenser à cette double histoire, des latinos installés à Paris et la littérature française en place aux Amériques, devient plus vital, à mon sens, quand nous vivons l’effet inverse. Pour mille raisons, depuis 1945 environ, l’art va plus dans le sens Amériques-Europe que l’inverse, ce qui constitue un type nouveau d’apport à la culture européenne (je pense au jazz, au polar, à la BD etc.). Et dans le mouvement, les USA sont seulement une part de l’échange.
D’où cette question : comment s’est constitué l’art des Amériques et celui de Cuba plus particulièrement ? Par la position de l’île, la France était destinée à jouer un grand rôle. Elle se différenciait positivement à la fois du colonisateur espagnol et nord-américain, elle a eu longtemps une paysannerie très puissante, et une culture comme référence. Admirateur du peintre équatorien Osvaldo Guayasamin qui eut son pied à terre dans la Cuba révolutionnaire, j’ai pu constater comment, lui comme d’autres, s’imprégna autant de la vie locale que d’éléments de culture française (sans oublier ses origines amérindiennes).
Donc la rencontre mise en lumière par Maxime Vivas entre José Marti admirateur de la France et Hugo écrivant pour Cuba, va au-delà de l’histoire cubaine, elle concerne les Amériques plus largement. Je n’ai pas cité Wajdi Mouawad par hasard. Il est Québécois (entre autre) un coin des Amériques qui parle encore français… et dont une part des intellectuels imaginent un Cubec (conjonction de Cuba et Québec). C’est une autre piste pour suivre autrement le croisement sur lequel Maxime Vivas s’est appuyé pour présenter Hugo.
Et à parler de Hugo comment ne pas observer à partir des deux lettres publiées, qu’à un moment (j’ai envie de dire après 1851) Hugo était capable de devenir TOUT Hugo en quelques lignes écrites. Les Editions La Brochure ont un autre livre contentant deux textes de Hugo concernant des proscrits de 1851 et j’ai été frappé par la manifestation chez l’écrivain des mêmes soucis, des mêmes approches et des mêmes références.
Bref, en lisant le livre de Maxime, Cuba (je préfère écrire Cuba que La Havane) sort de schémas convenus et médiocres.
22-09-2009 Jean-Paul Damaggio