Montauban-Privatisations (VI): le cas de Castres
Montauban, 26 mai, 17 h 30, Suite du feuilleton dont vous trouverez à cette adresse (http://la-brochure.over-blog.com/categorie-10923635.html ) les épisodes précédents. La parole est donnée, par le comité de défense des services publics, à deux animateurs de la lutte contre la privatisation de l’eau à Castres : "Comité de défense des usagers de l'eau à Castres".
Rappel de faits : En 1989 une droite musclée en la personne de M. Limouzy gagne la municipalité de Castres et décide d’offrir la gestion de l’eau à la Lyonnaise des eaux.
1992 : quelques personnes veulent réagir mais c’est surtout en 1995 avec le retour de la gauche au pouvoir que la lutte va s’amplifier.
1995 : La gauche, élue dans le cadre d’une triangulaire, avait promis de remunicipaliser la gestion de l’eau et au départ elle accepte d’aider le collectif de lutte contre la privatisation. Malheureusement, malgré ce collectif, elle ne tient pas sa promesse !
2001 : Le collectif ayant pu accéder aux dossiers entre 95 et 98 a porté plainte devant le tribunal administratif. C’est au moment du retour d’une droite musclée à la tête de la mairie que le Tribunal administratif donne raison au collectif qui après des études minutieuses dénonce les malversations de la multinationales.
2002 : La multinationale fait pression sur la mairie par diverses menaces pour empêcher tout retour à la régie.
2004 : Le maire UMP fatigué que la multinationale le prenne « pour un con » décide le retour en régie. Depuis 2004 les procès n’ont pas manqué de la part de la multinationale pour dénoncer la rupture de contrat mais la mairie a toujours gagné. Le maire a trouvé un vice de forme : le contrat n’avait pas été signé par la préfecture.
Disons le franchement, à Castres, l’essentiel a été une bataille d’expert et non une bataille de l’opinion. C’est la victoire au Tribunal administratif qui a fait basculer le rapport de force car elle démontrait que la multinationale avait non seulement escroqué les usagers mais aussi la mairie elle-même !
Bien sûr le témoignage des amis de Castres a été important pour faire prendre conscience qu’avec la privatisation ce sera plus cher pour l’usager avec moins de service, ce que disait Mme Barèges elle-même il y a peu de temps, car c’est une vérité largement reconnue. La Lyonnaise se dispensait de traiter les boues générées par le traitement des eaux usées alors que la régie actuelle de Montauban a pu mettre en place une transformation en compost qui bénéficie gratuitement à ceux qui le demandent. La Lyonnaise se dispensait de nettoyer les avaloirs des eaux de pluie qui étaient tous bouchés. Des petits détails qui donnent de la chair à un débat technique et qui aident à la réflexion de tous.
Alors pourquoi la privatisation ? De l’incompétence municipale ?
Désolé mais Mme Barèges a démontré depuis le début de sa gestion qu’elle savait où elle mettait les pieds, sachant reculer quand l’erreur devenait manifeste (l’affaire du centre commercial culturel en centre-ville) et sachant aller au bout de ses projets quand elle le souhaitait. Les amis de Castres ont noté que les élus craignaient les multinationales jusqu’à se mettre à plat ventre devant elles (il y aurait eu le lien hier avec le financement des partis). Je crains que Mme Barèges ne soit pas idiote (pas plus que Sarkozy) et qu’il faut chercher ailleurs les raisons de la privatisation.
Comme l’ont expliqué les acteurs du collectif de Castres, la privatisation de la gestion de l’eau n’est qu’une facette d’un problème plus large, et à Castres ce fut la construction de L’Archipel à savoir une piscine et une patinoire. Mme Barèges ne s’en cache pas : elle veut un grand complexe aquatique à Chambord pour remplacer Nautica et renouveler la piscine actuelle. Tout comme la privatisation des parkings (intervenue également à Castres) a obligé la municipalité à confier l’ensemble des parkings au délégataire (avec création d’un parking privé en plus sur Le Plateau), la privatisation de la gestion de l’eau induit d’autres cadeaux. Monsieur Mouchard a évoqué l’arrivée éventuelle de sociétés immobilières qui construiraient peut-être un hôtel 5 étoiles autour du futur parc aquatique. N’entrons pas dans les supputations : l’état des projets officiels suffit.
Donc le prix de l’eau va augmenter et c’est peut-être par ce moyen qu’on peut mobiliser l’opinion. Sauf que, la réunion l’a démontré, peu de gens connaissent le prix de l’eau, la facture étant le plus souvent annuelle et incluse dans les frais incompressibles. L’eau c’est nettement moins cher qu’internet par exemple. A Castres le mètre cube tourne aujourd’hui, pour l’eau elle-même autour de 0,86 euros tandis qu’à Montauban elle tourne autour de 1,10 euros. Si on ajoute le montant de l’assainissement on arrive dans les deux cas autour de 2,10 euros vu qu’à Castres ils doivent rattraper les fais de traitement de tonnes de boues (à Montauban c’est quatre millions de boues qui sont traitées chaque année).
De plus quelqu’un a fait remarquer qu’il y avait eu des investissements considérables de la municipalité sur l’eau, ce qui est tout benef pour l’entreprise qui prend la suite. Et il se trouve qu’à Castres le phénomène avait été le même.
Les amis de Castres, devenus des experts, ont d’ailleurs fait observer que le budget de l’eau est une part du budget annexe et qu’il ne peut en aucun cas interférer avec le budget général de la commune. Si sur le budget annexe, il n’y a pas les moyens de réaliser les investissements alors il peut y avoir un emprunt sur le budget général mais en bout de course le budget de l’eau (donc les versements des usagers) doit rembourser l’emprunt. C’est d’ailleurs avec les questions d’emprunt que la Lyonnaise est tombée à Castres. Et pour entrer dans le détail, il y a aussi la gestion des dettes. Que dira le contrat de privatisation à ce sujet ?
Et la remunicipalisation de l’eau ? Le côté agréable des intervenants de Castres, ce fut leur refus de la langue de bois. D’une part ils ont fait la démonstration que le courage paye et qu’une multinationale avance des arguments bidons : elle peut acheter moins cher du matériel car elle est puissante ? Faux preuve à l’appui ; elle peut mutualiser ses moyens ? Faux preuve à l’appui etc. Mais au moment de la remunicipalisation ils ont reconnu que dans la privé les salaires étaient plus forts que dans le public (c’est connu mais les fonctionnaires ayant souvent honte de leur statut de « privilégié » n’ose pas le dire) donc il a fallu inventer une prime pour égaliser les salaires. En réponse à une question ils ont indiqué que trois personnes ont été embauchées. Et ils ont précisé que la régi pouvait à l’occasion faire exécuter des travaux à des entreprises privées locales se révélant moins chères que la multinationale (remplacer les éléments en plomb par exemple). Le collectif a à présent un de leurs membres qui siège au Conseil d’administration de la régie et cette présence des usagers est aussi un élément de démocratie qui bénéficie à tous.
Une fois de plus, il faut différencier la discussion sur le refus des privatisations (même si elle s’appelle « régie intéressée ») et celle sur les projets alternatifs. Le refus de la privatisation est un refus de principe. Pour les projets alternatifs, les amis de Castres ont évoqué « une régie autonome » qui est en effet la forme qui semble la plus adaptée à la fois aux nécessités techniques et aux nécessités démocratiques. Il aurait été utile que les employés actuels du service de l’eau disent leur point de vue sur cette forme de proposition qui a été adoptée à Castres.
Et la lutte ? Elle fut évoquée au détour d’une question : combien ont coûté les actions menées à Castres ? Une affaire exclusivement bénévole, l’action au Tribunal administratif s’étant faite sans référence à un avocat. Il s’est plutôt agi de solidarités diverses. On retrouve le même cas à Quimper et ailleurs. Véolia perd tous ses procès si bien qu’à Condom un accord a été trouvé avec les plaignants avant même le passage devant les tribunaux !
Le prochain rendez-vous c’est donc le quatre juin devant le Conseil municipal à 17 h 30. JPD