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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 10:54

Montauban-Privatisations (II) : Casser le statut de la fonction publique

 

Contre les privatisations, l’argument majeur le plus souvent présenté est le suivant : l’usager va payer plus cher pour un service moindre. A celui-ci, confirmé par bien des enquêtes, il faut en ajouter un autre : le statut de la fonction publique, malgré les dégradations des dernières années, est dans le collimateur. Et sur ce point nous devons passer à l’offensive. Non les fonctionnaires ne sont pas de privilégiés, non ils ne roulent pas sur l’or, non ils ne sont pas protégés etc.

Qu’il faille réfléchir à des évolutions, c’est incontestable c’est pour ça que je me méfie du slogan classique « défendre les services publics » qui laisse croire qu’ils sont au-dessus de tout reproche et qu’ils sont encore des services publics, alors que parfois les conditions font que sous la façade « service public » il y a déjà la privatisation en marche.

Prenons un exemple : depuis sa création je considère que la piscine Nautica fut une erreur (voir article plus tard sur les piscines), faut-il poursuivre dans l’erreur puisqu’elle existe ou faut-il en sortir ? Et comment ? Surtout pas par la privatisation, mais le service public doit lui aussi travailler aux adaptations.

Avec les privatisations en route à Montauban nous allons assister à une expérience pouvant faire école pour bien d’autres services ensuite : faire passer des employés de la fonction publique territoriale au secteur privé, et vu les garantis que donnent le statut fonction publique on peut se dire au départ que c’est quasiment impossible. Pas parce que le statut d’employé de mairie serait beaucoup plus avantageux que celui du privé (je vais y revenir plus loin) mais parce que des agents sont installés dans une ville et ne veulent pas tenter l’aventure d’une voyage dans l’inconnu.

La mairie propose trois solutions : accompagnement personnalisé, placement chez le prestataire, reclassement dans un autre poste à la mairie.

L’astuce consiste à dire qu’il y a plusieurs ouvertures possibles à des agents qui savent par avance qu’une seule est à leur disposition, le privé. Reclasser 140 personnes dans la mairie ? Des responsables ont osé proposer le reclassement dans la nouvelle crèche à des éboueurs ! Supposons que le système puisse marcher pour une dizaine de personnes, il en reste 130. Le placement dans le privé c’est proposer un détachement de cinq ans dans l’entreprise privatisée (dans un autre article nous présenterons les trois formes de privatisation qui vont être appliquées point qui n’est pas anodin). Au bout de cinq ans, s’il y a des places, l’agent peut revenir employé de mairie et faute de place il est mis à la disposition du CDG (centre de gestion du Tarn-et-Garonne qui s’occupe de placer les membres de la fonction publique territoriale). A un membre de la catégorie C, des postes doivent lui être proposés dans le TetG, pour ceux de la catégorie B c’est la région et ceux de la catégorie A c’est le pays. Même s’il ne travaille pas, il touche son salaire pendant trois ans ce qui coûte très cher à la collectivité puisque la mairie doit verser la première année 200% du salaire au CDG (avec tarif régressif ensuite) mais au bout des trois ans c’est le trou noir : comme pour tout fonctionnaire abandonnant son travail, pas de possibilité de toucher le chômage. Ceux qui sont à cinq ans de la retraite peuvent se dire qu’ils passeront entre les mailles de la régression.

Ainsi, pour l’essentiel le système va consister à diviser pour régner en poussant chaque agent à comprendre que son cas est particulier et que, à cas particulier, il y a une réponse particulière qui ne peut être que paradisiaque. Il m’est arrivé de croiser un conseiller en ressource humaine spécialisé dans le licenciement qui m’expliquait sérieusement, en y croyant dur comme fer, que tout licenciement c’est « gagnant-gagnant » : l’entreprise y gagne car c’est la condition de son évolution, et le salarié y gagne car il s’était laissé aller à la routine, et tout d’un coup il envisage un avenir nouveau !

C’est ici que je reviens sur les « privilèges » des fonctionnaires.

Le secteur privé a besoin de travailleurs à exploiter or il pousse aux délocalisations, par conséquent en France, il est en manque de chair fraîche à se mettre sous la dent. Il s’attaque en conséquence au secteur des services dont nous savons qu’il ne peut pas être délocalisé et qu’il constituera pour longtemps une source de profit fiable. Hôpital, mairies, écoles, postes, autant de « niches » à profit qui doivent tomber dans l’escarcelle de la machine à exploiter.

Le problème, c’est qu’un service, pour sa qualité, ça suppose des conditions peu compatibles avec la gestion du privé. Je m’explique : si on veut que le facteur fasse bien son travail, il a besoin de la sécurité de l’emploi qui lui permet de bien connaître sa tournée avec des remplaçants formés dans le même esprit. Si vous commencez à employer des précaires qu’on envoie un jour ici et un jour là, pas besoin de consulter un bureau d’études : votre poste va perdre des usagers ! La sécurité de l’emploi (souvent chèrement acquise) n’est pas un encroûtement avec en face le privé qui ouvrirait des « opportunités de carrière ». Par définition le fonctionnaire ne cherche pas à faire carrière (sinon il serait dans le privé), il cherche à bien faire son travail là où il est. Derrière l’attaque en règle contre les fonctionnaires il y a une attaque en règle contre un certain sens du travail, la déontologie. Excusez ma comparaison mais souvent on organisa l’incompréhension autour des paysans dont on disait qu’ils devenaient des propriétaires par soif de terre : comme les artisans, ils devenaient propriétaires par rapport à une conception du travail. Ils voulaient être maître chez eux, les quelques accapareurs ne devant pas masquer un souci que j’appelle démocratique. Devant les salariés un responsable de l’UNSA évoqua le lien entre défense des services publics et défense de la laïcité. Il s’agit en effet de la même défense, celle des DROITS. D’un côté un salarié et de l’autre un citoyen qui sont dotés de droits peuvent envisager leur rôle social avec dignité. La justice sociale est le seul moyen de l’efficacité économique !

Sarkozy nous a fait tout un discours sur « la valeur travail » alors qu’il parlait de « la valeur exploitation ».

Si à Montauban, par d’adroites manœuvres, on va vers des transferts de fonctionnaires vers le privé alors c’est un pas de plus vers la déshumanisation du travail alors que tous les moyens de l’époque actuelle devraient nous permettre d’aller au contraire vers plus d’humanité. Mais l’humanité existe sans doute par « les cellules pour la recherche d’emplois » et tous les conseillers payés à prendre soin de chacun quand la vie au travail c’est par définition le travail de tous (ensuite après l’individualisation, il y a d’autres conseillers pour pousser au travail en équipe !). Ecoutant mercredi soir les salariés de Montauban concernés, l’un d’eux, avec humour, s’exclama : « Ils nous préparent une cellule sans doute ! » et un autre ajouta : « ils se foutent de notre gueule ». On ne peut pas être plus clair !

Que va-t-il se passer pour ceux qui sont stagiaires ? Vivement qu’ils finissent le stage avant la privatisation ! Et ceux qui sont sous contrat en passe de devenir stagiaire ? La fonction publique ce sont encore des droits, de plus en plus fragiles, comme l’indiqua un délégué du personnel faisant l’aveu qu’à présent, les commissions paritaires, ne servent plus à rien. Mais bon, en devenant travailleurs du privé les agents municipaux vont pouvoir avoir accès « aux techniques innovantes et fiables » ! Un jour, il faudrait que les technocrates, qui produisent les textes savants du monde meilleur qu’ils proposent, écoutent la lecture que le peuple fait de leur prose : il y a au moins de quoi rire… juste avant de pleurer !

14-05-2009 Jean-Paul Damaggio

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commentaires

B
<br /> Je ne vois pas pourquoi vous qualifiez le travail en entreprise privé "d'exploitation", moi même je travaille au sein d'un grand groupe de l'environnement et j'y suis très bien. Evidemment, il y a<br /> moins de place à la glandouille dans le privé que dans le public, mais c'est tout à fait normal. Croyez vous que les gens s'épanouissent sans intérêt pour leur travail?<br /> Travail efficace et rationnel n'est pas synonyme d'exploitation, mais de logique et bonne gestion.<br /> <br /> <br />
Répondre
É
<br /> je n'emploie pas le terme expoitation de façon morale mais économique : il existe des entreprises où les financiers veulent recevoir 30% de bénéfices en retour, autant d'argent en loins<br /> pour ceux qui travaillent. hasta luego. jean-paul damaggio <br /> <br /> <br />

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