Une soirée au Bar In Vivo à Montréal
BON DE COMMANDE Editions La Brochure
Trois amis se sont étonnés, en découvrant sur Train de nuit, le site internet de Jacques Desmarais, des photos où on y découvre le passage des Editions La Brochure à Montréal. Etonnement justifié car il s’agissait d’une aventure peu commune. Nos éditions ne sont pas spécialisées dans la poésie (ni en rien d’ailleurs) en conséquence éditer un auteur québécois c’était comme un rêve. Or l’œuvre de Gaston Miron, poète québécois est une des quatre références essentielles de La Brochure, pour des raisons qu’il serait trop long d’expliquer pour le moment. Je préfère mentionner une coïncidence. Un poète montalbanais Olivier Demazet va présenter à Montauban Vénus Houry-Ghata le 18 février… une personne que nous avons eu la chance d’écouter à Montréal ! Avec l’écriture, les frontières s’effondrent surtout quand on a une même langue en partage.
Mais éditer le livre était une chose, le présenter dans le cadre d’une belle fête en était une autre. Un jeudi, de 17 à 19 h, rassembler autour d’un tronc d’arbre, artistes, amis et curieux, c’était un tour de force dont tout le mérite revient à Jacques. Chacun a ses impératifs dans la vie, mais tous les invités trouvèrent le moyen de les déplacer pour ce détour par le Bar culturel engagé In Vivo situé dans la partie ouvrière de la célèbre rue Sainte Catherine http://www.bistroinvivo.coop/.
A 17 h 30, tout commença sous les bons hospices de Marc-André Delorme (il traduisit en portugais un poème). Beaucoup ne pouvaient arriver qu’après les heures de travail (et en particulier de nombreux collègues de Jacques) d’où ce retard. Mais tout s’enchaîna ensuite à merveille.
A écouter les lectures de poèmes, je prétends qu’en France nous avons un peu perdu l’habitude de cette activité. Je rends hommage à Montauriol Poésie qui, à Montauban, contribue à de telles lectures (nous avons aussi le printemps des poètes) mais je n’ai jamais trouvé la même diversité de ton. De Michel Vincent qui tape du pied sur la scène, à Nina louVe qui d’un geste fait taire les bavards pour les captiver, de Jacques qui mâche chaque mot, à la pause musicale avec Yves Boisseau, j’ai découvert des poèmes comme si je ne les avais jamais lu ! Je suis même allé ensuite vérifier dans le livre pour m’assurer qu’ils y étaient. Or la poésie de Jacques n’est pas facile même s’il la présente comme des poèmes-récits. Entre les lignes il manque des épisodes laissés à l’imagination du lecteur. Chaque vers devient alors plus symbolique. Sa fille remarquait qu’à les entendre, des mots devenant plus forts, pouvaient heurter des sensibilités qui à la simple lecture auraient pris l’histoire autrement.
Et le final ? Chacun sait qu’un vrai spectacle se mesure à l’attention portée sur le final. Leonard Cohen fut l’invité indirect avec une traduction en français d’une chanson de ce Montréalais des Etats. Une poésie chantée par une femme grattant sa guitare. Parmi les références des Editions La Brochure j’avais mentionné bien sûr la féministe Flora Tristan et aussitôt cette chanteuse me demanda des références, car elle avait fait des études de féminisme, et le nom lui disait quelque chose mais sans plus. J’espère qu’au festival Alors Chante où nous avons régulièrement la possibilité de croiser des Québécois, nous y entendrons un jour Eve Cournoyer. Paolo Duchesneau n’a pas pu apporter tout son talent car il fallait impérativement clore à 19h pour laisser la place à un groupe de jazz et Jacques lui-même avait imaginé plusieurs autres interventions (des occurrences aux cannibales par exemple) mais globalement le public fut très heureux de ce voyage dans les mots. Je retiens ici ce passage de Tirania un poème-recit qui raconte le coup d’Etat de Pinochet à travers l’histoire de Carmen Gloria Quintana :
« Mais répète encore
Carmen Gloria :
Pourquoi c’est vrai ?
Comment c’est fou ?
la manivelle du coup
les torchons de la magouille
les milices
la peur
les bûcheurs de jeunes
l’essorillement des gorilles
les autodafés
les crevasses dans la tête
les insomnies
le fuckaillage
dans les syndicats en escalope »
Sincèrement, la poésie n’est pas au repos. Jean-Paul Damaggio
Jack 04/11/2008 14:18