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24 juin 2008 2 24 /06 /juin /2008 15:58


Cayrou au sénat en 1950 (2)

Mais ne nous laissons pas aller à des digressions inutiles et considérons sans plus tarder les modalités d'application de l’enseignement de la langue occitane à l’école.

Voici quelques suggestions et remarques que m'ont inspirées quelques articles de la proposition de loi Deixonne.

Au sujet de l’article 3, je proposerai les modifications suivantes "Tout instituteur qui en fera la demande pourra être autorisé à consacrer, chaque semaine, une heure d'activité dirigée à l’enseignement de notions élémentaires de lecture et d'écriture du parler local et à l’étude de morceaux choisis de la littérature correspondante. Une épreuve facultative sera inscrite au programme du certificat d'études. Seuls les points obtenus au-dessus de la moyenne entreront en ligne de compte au bénéfice des candidats qui auraient déjà obtenu la moyenne en français."

J'insiste sur cette partie là, car justement M. le rapporteur est ennemi de l'introduction de l’enseignement de la langue d'oc dans les écoles primaires. Eh bien, écoutez-nous ! Nous ne demandons pas grand chose. Nous demandons simplement que la langue maternelle vienne au secours de l’instituteur pour l’aider à enseigner la langue française. Réfléchissez ! Chez nous, nous avons quelquefois des écoliers âgés de cinq ou six ans qui n’ont jamais parlé un mot de français. Quand ils arrivent à l’école, ne leur donnons pas l’impression qu'ils sont ridicules, que leur langue maternelle est une chose méprisable, sans quoi ils en conserveront par devers eux un complexe d'infériorité qui les suivra peut-être toute leur vie. Nous demandons si peu de chose ! qu'une ou deux heures par semaine on veuille bien faire appel au dialecte local ; qu'on montre à l’enfant qu'il a le droit de parler cette langue, qu'elle n'a rien de méprisable, qu'au contraire il peut en tirer vanité.

Ainsi, il n'y a pas longtemps, j’ai eu l’honneur de prononcer un discours à la distribution des prix du lycée de Montauban. J'avais devant mol deux élèves dont le nom figurait sur le palmarès : l’un s'appelait Sarremejane, l’autre s'appelait Poudevigne.

Je leur ai dit: "Mes chers amis, vous n'avez pas à rougir de votre nom, vous pouvez dédaigner toutes les moqueries que l’on vous adresse ; on vous dit, vous, Sarremejane, que votre nom signifie que vous serrez la dame Jeanne avec plus ou moins de frénésie, et vous, Poudevigne, on dit que vous êtes un parasite de cette noble plante. Détrompez-vous, car Sarremejane signifie la colline du milieu, comme nous avons le causse Miejan. Vous portez donc un nom du terroir, le nom d’une colline. Et vous, Poudevigne, vous avez encore un nom plus noble, car, dans votre langue, "podar" signifie tailler. Vos ancêtres étaient donc des vignerons, des hommes qui taillaient la vigne."

Si nous rejetons cette langue, nous ne demanderons qu'une chose, c'est de débaptiser tous ces enfants qui portent de tels noms. (Applaudissements sur les bancs supérieurs de la gauche, du centre et de la droite et sur divers bancs au centre et à droite)

Au sujet de l’article 7, je signale pour mémoire que des enseignements sont donnés à la faculté des lettres de Toulouse depuis plusieurs années ; seul le cours de folklore doit être stabilisé.

Quant à l’article 8, il faudrait, à mon avis, instituer une licence de langue d'oc, licence d'enseignement qui ne devrait pas titre calquée sur les licences étrangères.

C'est une chose fort importante, c'est la seule qui puisse intéresser les étudiants. Je répète qu'il doit s’agir d'une licence d'enseignement, car la licence libre ne les intéresse pas ; elle n'a pas de portée pratique immédiate.

Seuls, travailleront pour avoir cette licence, les étudiants fortunés qui ont des loisirs, et qui apprennent pour le plaisir d’apprendre, pour le plaisir de meubler leur cerveau. Ceux là me font un peu l’effet de ces gens qui, possédant une belle habitation, n’ont ensuite qu’un souci, celui de l’orner avec des meubles de style ou des tableaux de maître.

Il faut que cette licence serve à quelque chose.

Il y a encore une autre répercussion beaucoup plus importante, c’est que cette consécration officielle que nos donnerons à cette licence lui confèrera plus de valeur aux yeux des étrangers qui viennent chez nous étudier les langues romanes.

Voilà pourquoi je voudrais qu'il y ait une licence d'enseignement de la langue d'oc.

Mes chers amis, ces quelques suggestions émises, je terminerai mon intervention, un peu trop longue peut-être à votre gré, en vous signalant que nombreux sont les étrangers qui viennent chez nous tous les ans se livrer à l’étude des langues romanes, dont ils ont apprécié depuis longtemps toute l’importance.

Faudra-t-il donc que nous recherchions dans les bibliothèques des universités étrangères, les ouvrages des auteurs de langue occitane? Faudra-t-il aller en Amérique, en Allemagne, dans tous les pays voisins, pour retrouver, comme le disait l'orateur qui m'a précédé, les traces de cette civilisation?

J'estime que nous devons avoir des enseignements qui montrent tout le prix que nous attachons à la culture des langues romanes. Je suis convaincu que grâce à nos efforts réunis, la littérature d'oc, comme du reste la littérature bretonne et catalane, qui ont su trouver ici des défenseurs ardents, reprendra bientôt dans nos enseignements scolaires, la place qu'elle n'aurait jamais du perdre, parce qu'elle la mérite et qu'elle est de nature à enrichir le goût, l’esprit et le coeur de nos enfants.

Qu'on ne vienne point surtout agiter devant nous, le spectre du séparatisme que cet enseignement pourrait engendrer. Nous connaissons des pays où l’on parle plusieurs langues et dont l'unité nationale n'a jamais été mise en péril.

En envisageant plutôt l’enseignement organisé de nos langues, nous créerions une fraternité plus grande avec le monde ouvrier, paysan en rapprochant les hommes de toutes conditions. C'est là un point de vue social que nous ne saurions négliger.

Par ailleurs, n'oublions pas que nous avons chez nous, à Toulouse, une académie littéraire, la plus vieille d'Europe, puisqu'elle a été fondée en 1323, l’académie de jeux Floraux, dont le rôle essentiel a été la défense de la langue d'oc à travers les siècles. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite)

Je sais bien que certains ont dit que cette académie était une vieille dame âgée et cristallisée dans les anciennes traditions.

Il est bien vrai que la plupart de ses membres ne sont pas de la première jeunesse, puisqu'on y trouve des évêques, des généraux, des amiraux, mais toutes les opinions politiques et religieuses y sont représentées ; il y a là des protestants, des libres penseurs, et même des radicaux-socialistes ! (Sourires)

Ce que je peux affirmer, mes chers collègues, c'est qu'au cours des réunions de cette docte compagnie du gai savoir, le souci dominant, c'est le culte de la langue d'oc qu'on s'efforce de maintenir en dehors de toute préoccupation politique. L'action qu’on y mène me paraît louable entre toutes puisqu'en entretenant le souvenir d'un passé littéraire glorieux, on ne fait que renforcer dans nos coeurs l'amour que nous vouons à notre terroir méridional, si profondément imprégné de latinité.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande aujourd'hui de vouloir bien vous rallier à mon point de vue qui n'a rien d'excessif ni d'outrancier.

Je m'excuse une fois encore du long plaidoyer que, par conviction profonde et peut-être aussi par esprit de famine, je viens de présenter devant vous en faveur d’une aïeule vénérable.

Enfin, contrairement à l'opposition, je ne dirai pas systématique, mais plutôt difficilement explicable, que nous avons rencontrée dans les sphères officielles, j'attends de vous quelques concessions à l’égard d’une langue qui a su, en des temps reculés et difficiles, célébrer les joies de la vie et chanter, en des strophes inspirées, le soleil, l’amour et la liberté.

(Applaudissements à gauche, au centre et à droite)

 

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